Le Canada a jeté la dernière pierre dans l’escalade de la dispute commerciale avec la Chine, s’alignant sur la taxe de 100 % imposée par les États-Unis sur les véhicules électriques (VE) fabriqués en Chine, et sur la surtaxe de 25 % sur l’acier et l’aluminium. Ces deux mesures entreront en vigueur en octobre.
« La Chine ne respecte pas les mêmes règles que les autres pays », a déclaré le premier ministre canadien Justin Trudeau lundi, lors d’une retraite du Cabinet à Halifax, en Nouvelle-Écosse. « Nous nous alignons sur les autres économies du monde qui reconnaissent qu’il s’agit d’un défi auquel nous faisons tous face. »
Au mois de mai, Washington a imposé des tarifs douaniers sur un encore plus grand ensemble de produits chinois, y compris les piles, les minéraux critiques, les semi-conducteurs et les cellules solaires. Lundi, la vice-première ministre du Canada Chrystia Freeland a dévoilé une consultation de 30 jours sur ces mêmes produits.
Au cours des quatre premiers mois de 2024, le Canada a importé des VE chinois pour un total de 462 millions $ CA, soit une augmentation de près de 1 300 pour cent comparativement à la même période en 2023. Cette hausse de l’importation a incité Mme Freeland à promettre en juin que le Canada ne deviendrait pas un « dépotoir » pour les VE chinois, qui sont déjà soumis à une taxe de 6,1 %.
Si la décision d’Ottawa concernant les droits de douane a été prise en raison de l'imbrication de la chaîne d’approvisionnement canado-américaine, des investissements massifs et des subventions accordées à l’industrie canadienne des véhicules électriques (au total, au moins 52,5 milliards de dollars canadiens d’aides provinciales et fédérales au cours des quatre dernières années), et de la pression persistante de l’industrie et de l’opposition, les mesures prises cette semaine pourraient n’être que la partie émergée de l’iceberg.
M. Trudeau a reconnu lundi qu’ils « envisagent d’autres mesures », alors que la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly a laissé entendre qu’il pourrait y avoir d’autres annonces « dans les semaines à venir ».
Jake Sullivan appelle à un « front uni » sur les VE
Alors qu’il se rendait à Beijing pour rencontrer le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi, le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis Jake Sullivan s’est arrêté à Halifax pour discuter avec M. Trudeau et son Cabinet. M. Sullivan a déclaré à des journalistes que, pour freiner le flux de VE chinois en Amérique du Nord, un « front uni, une approche coordonnée [...] sont bénéfiques pour nous tous ».
Jusqu’à présent, Beijing a fait preuve d’une relative retenue dans ses réponses à la vague de tarifs douaniers imposés par les États-Unis, l’Union européenne et le Canada.
La Commission européenne a récemment révisé ses tarifs douaniers planifiés sur les VE Tesla fabriqués en Chine, baissant le taux de 20,8 % à 9 %. D’autres fabricants chinois de VE seront frappés par des taux variant entre 17 % et 36,3 %, dans l’attente d’un vote final des membres de l’UE d’ici le 30 octobre.
La semaine dernière, probablement en réponse aux tarifs douaniers imminents de l’UE, Beijing a entamé une enquête anti-subventions sur les importations de produits laitiers en provenance de l’UE. Cette dernière enquête fait suite à deux enquêtes antidumping effectuées par la Chine concernant le porc et le brandy produits par l’UE, annoncées plus tôt cette année.
Sur la base d’expériences passées, le secteur agroalimentaire du Canada est sûrement le plus vulnérable à d’éventuelles représailles de la part de Beijing. Les exportations canadiennes en Chine ont atteint un niveau record de 30,5 milliards $ CA en 2023, les graines de canola représentant 13 % de ce chiffre.
Les subventions chinoises dans une ligue à part
À la suite de l’annonce de M. Trudeau sur les tarifs douaniers, l’ambassade de Chine à Ottawa a fait part de son « opposition résolue » à cette mesure, accusant le Canada de protectionnisme et affirmant que le « développement rapide » du secteur chinois des VE était dû à une « innovation technologique continue et à une concurrence sur la totalité du marché ».
Selon des estimations prudentes, la Chine dépenserait 2 % de son PIB sur les subventions industrielles, environ deux fois plus que les États-Unis en dollars. Et selon un rapport de l’OCDE, Beijing représente entre 80 % et 90 % des subventions du monde entier accordées aux secteurs des semi-conducteurs, de l’acier et de l’aluminium.