Année du Canada à la présidence du PTPGP : bilan

CPTPP image

Le 28 novembre, à Vancouver, des ministres et des représentants des 12 État signataires de l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) ont publié leur déclaration annuelle au terme de la huitième réunion de la Commission du PTPGP, qui était présidée cette année par le Canada. Parmi les États signataires de l’Accord, on retrouve l’Australie, le Brunei Darussalam, le Canada, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour, le Royaume-Uni et le Vietnam.

Dans leur déclaration, les membres de la Commission ont abordé ce qui suit :

 « Dans un contexte commercial international de plus en plus fragmenté et imprévisible, nous avons affirmé l’importance du PTPGP en tant qu’accord de haut niveau qui défend un commerce transparent, prévisible et fondé sur des règles. »

Il s’agit d’une déclaration fort louable, mais est-elle soutenue par des résultats?

La déclaration aborde ensuite trois grandes priorités pour les travaux en cours : 1) les adhésions (économies candidates qui ont exprimé leur désir d’adhérer à l’Accord; 2) la gestion progressive (expression sophistiquée pour faire référence à la mise à jour et à l’élargissement de l’Accord); 3) l’utilisation globale (c.-à-d. faire la promotion des avantages de l’Accord pour les groupes sous-représentés, comme les petites et moyennes entreprises [PME], les femmes entrepreneures et les groupes autochtones par l’entremise du « commerce inclusif »).

Le Canada a assuré la présidence de la Commission en 2024 et passe maintenant le flambeau à l’Australie pour 2025. Qu’est-ce que le Canada a été en mesure d’accomplir? Comment son travail peut-il être évalué?

Au début de son année à la présidence, le Canada s’est fixé trois priorités :

« Gestion progressive de l’Accord : L’effort le plus important réalisé dans le cadre de cette priorité sera l’examen général du PTPGP, qui est une obligation pour ses membres d’examiner le fonctionnement de l’Accord, de trouver les possibilités d’amélioration et de faire progresser les discussions dans de nouveaux domaines d’activité comme le commerce numérique. Le Canada souhaite également améliorer le fonctionnement du PTPGP en collaborant avec toutes les parties pour surveiller la mise en œuvre de l’Accord.

Utilisation globale de l’Accord : Le Canada cherchera à accroître l’utilisation des préférences du PTPGP par les entreprises au sein des groupes traditionnellement sous-représentés dans le commerce, notamment les PME, les entreprises appartenant à des femmes et les entreprises autochtones. À cette fin, le Canada s’efforcera de mobiliser le monde des affaires et la société civile pendant toute l’année 2024 pour souligner les avantages de l’Accord et faciliter les relations interentreprises.

Élaboration d’une marche à suivre concrète en matière d’adhésion : Cette dernière priorité sera fondée sur les “Principes d’Auckland”, selon lesquels le PTPGP est ouvert à l’adhésion de toute économie qui est désireuse et capable de respecter les normes strictes de celui-ci, a démontré qu’elle respectait ses engagements commerciaux existants et réussit à obtenir le consensus des parties à l’Accord. »

Mise à jour de l’Accord

Sur le plan de la « gestion progressive », aucun accord particulier n’a été conclu, malgré les travaux qui se sont déroulés tout au long de l’année. La déclaration de Vancouver comprenait un « rapport provisoire » des hauts fonctionnaires aux ministres qui abordent plusieurs questions pour renforcer l’Accord (p. ex. administration des douanes et facilitation des échanges, commerce électronique, commerce inclusif et gestion du travail administratif) et les sujets de préoccupation actuels, comme la coercition économique, la résilience des chaînes d’approvisionnement et l’environnement. Il ne fait aucun doute qu’il reste encore beaucoup à faire puisque, selon la déclaration de Vancouver, les « hauts fonctionnaires continueront à déployer les efforts nécessaires afin de formuler des recommandations en 2025 en vue d’établir des paramètres pour les négociations visant à mettre à jour et à améliorer les chapitres existants et à inclure les questions commerciales émergentes dans l’Accord, le cas échéant ».

Autrement dit, le PTPGP est en constante évolution. La déclaration ne précise pas l’étendue des progrès réalisés ni ce qui doit encore être fait. Je donnerais au Canada la note « C » à cet effet. Il a fait avancer les choses, mais n’est pas parvenu à réaliser des percées importantes.

Commerce inclusif

L’« utilisation globale », ou « commerce inclusif », est la deuxième priorité cernée. Le commerce inclusif est une priorité canadienne depuis que le pays a signalé son intention d’adhérer à l’Accord. En fait, l’ajout des qualificatifs « global et progressiste » au titre original de l’Accord, « partenariat transpacifique », était une demande du Canada, mais ces mots ont peu de poids s’ils ne reposent sur rien. Le Canada, aux côtés de la Nouvelle-Zélande et du Chili, est une figure de proue du programme de commerce inclusif. Il est l’un des membres fondateurs du Groupe d’action pour un commerce inclusif (GACI) qui a vu le jour en mars 2018 et qui comprend maintenant sept économies, y compris des membres et des non membres du PTPGP (Canada, Australie, Chili, Costa Rica, Équateur, Mexique et Nouvelle-Zélande). Deux autres groupes sont nés du GACI. Le premier est l’Arrangement mondial sur le commerce et le genre (AMCG), qui compte maintenant 11 membres, soit le Canada, le Chili, la Nouvelle-Zélande, le Mexique, la Colombie, le Pérou, l’Équateur, le Costa Rica, l’Argentine, l’Australie et le Brésil (ordre dans lequel ils se sont joints à l’Arrangement). Six de ces pays ont adhéré au PTPGP. Le deuxième groupe est l’Arrangement de coopération économique et commerciale avec les peuples autochtones (ACECPA), qui comprend l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et Taïwan (ou Taipei chinois, pour reprendre la nomenclature internationale).

Ces groupes sont souples, c.-à-d. que les membres se sont engagés à collaborer pour mettre leurs expériences et leurs pratiques exemplaires en commun, échanger leurs points de vue, faciliter les relations et établir diverses pratiques non discriminatoires. Il n’y a aucun engagement obligatoire ni mécanisme de dépôt de plaintes, mais les arrangements fournissent une plateforme pour aider les participants volontaires à faire progresser le programme commercial inclusif. Voici certaines des activités visant à faire avancer le programme commercial sensible au genre : « des échanges, des ateliers, des séminaires, des conférences, des programmes et des projets de coopération, y compris des stages, des visites et de la recherche; une aide technique visant à promouvoir et à faciliter le renforcement des capacités et la formation; l’échange d’experts et d’information; ainsi que le partage d’expériences et de pratiques exemplaires dans la conception, la mise en œuvre, le suivi, l’évaluation et le renforcement des politiques et des programmes visant à accroître la participation des femmes aux économies nationales, régionales et internationales. » Le Canada a joint le geste à la parole dans ce dossier, puisqu’il a organisé huit missions commerciales féminines en Asie au cours des dernières années. Ces missions, dont la gestion a été accordée à la Fondation Asie Pacifique du Canada, ont permis de mettre en œuvre plusieurs initiatives de promotion commerciale, d’approvisionnement et de financement ciblant les groupes sous-représentés.

Les contributions sont impressionnantes, même si les résultats sont difficiles à mesurer. Il est en effet important, mais difficile, de déterminer la méthode à privilégier pour mesurer les résultats de diverses initiatives de commerce inclusif. À Vancouver, les experts gouvernementaux ont déploré le manque relatif de données et la difficulté de ventiler les données sur le commerce inclusif à partir des statistiques générales sur les exportations. Bien qu’on puisse démontrer que les entreprises exportatrices, y compris les entreprises appartenant à des membres de groupes sous-représentés, obtiennent de meilleurs résultats économiques sur le plan des emplois, de la croissance et des revenus, il est difficile de montrer que les initiatives de commerce inclusif permettent d’accroître le nombre d’exportateurs auprès des groupes cibles. Il existe des données non scientifiques et des études de cas, mais de façon générale, les statistiques doivent démontrer des progrès, et il est difficile de dégager un rendement sur le capital investi.

Cela n’invalide pas la valeur des initiatives relatives au commerce inclusif décrites ci-dessus, car sans initiatives, il est peu probable qu’il y ait des résultats. Mais il est important de souligner qu’il est difficile de produire des données empiriques sur le dossier du commerce inclusif, qui demeure une priorité importante pour le Canada. Et sans ces données, il est encore plus difficile de convaincre les groupes cibles et d’autres groupes que des progrès sont réalisés. La note du Canada dans ce domaine : « B ».

Adhésion

La troisième priorité que le Canada a cherché à faire progresser, et qui concernait tous les membres, est celle qui concerne l’adhésion. Alors que le protectionnisme fait de plus en plus de vagues, que les chaînes d’approvisionnement sont relocalisées et que l’ordre commercial international fondé sur des règles se fragilise, le PTPGP se distingue par sa volonté de nourrir des principes commerciaux internationaux responsables. Le PTPGP représente déjà environ 15 % du commerce mondial, mais s’il continue d’agir comme un rempart contre la montée du protectionnisme, il doit recruter de nouveaux membres. Même avec l’adhésion du Royaume-Uni le 15 décembre 2024, sept autres pays souhaitent encore adhérer à l’Accord, y compris l’Indonésie (septembre 2024) ainsi que la Chine, Taïwan, l’Équateur, le Costa Rica, l’Uruguay et l’Ukraine (en ordre chronologique). Les demandes de la Chine et de Taïwan, toutes deux présentés en septembre 2021, sont en attente depuis maintenant plus de trois ans.

L’Accord contient une disposition selon laquelle d’autres États ou territoires douaniers peuvent adhérer à l’Accord (article 5). Le Processus d’adhésion, un document approuvé par les membres de l’Accord existants, présente une feuille de route pour les économies candidates. Au nombre des dispositions se trouve une exigence selon laquelle la Commission du PTPGP (c.-à-d. « représentants gouvernementaux de chacune des Parties ayant rang de ministre ou de haut fonctionnaire ») doit déterminer « dans un délai raisonnable après la date de présentation de la demande d’adhésion par l’économie candidate » si le processus d’adhésion doit être entamé pour l’économie candidate. Ces dispositions doivent être lues en parallèle avec les « principes d’Auckland », qui ont été établis en 2023. Voici les trois principes qui régissent l’adhésion des nouveaux membres :

  1. l’économie candidate doit être disposée et apte à respecter les normes élevées du PTPGP;
  2. l’économie candidate doit démontrer sa capacité à respecter les engagements commerciaux existants;
  3. les membres du PTPGP s’entendent pour amorcer les négociations avec l’économie candidate.

Même si les économies candidates ont peu de chances de satisfaire aux premier et deuxième critères, c’est le troisième critère qui est le plus problématique. Il est objectivement évident que Taïwan, le Costa Rica et possiblement d’autres économies candidates sont prêts et disposés à respecter les normes du PTPGP, en plus d’avoir l’habitude de respecter leurs engagements dans d’autres accords, comme ceux de l’Organisation mondiale du commerce. Or, la candidature de Taïwan est affaiblie par le facteur Chine. La Chine, qui a non seulement devancé Taïwan en demandant d’adhérer au PTPGP quelques jours avant le dépôt de la candidature de Taïwan, n’envisagerait pas d’un bon œil l’adhésion de Taïwan (quoiqu’à ma connaissance, cela n’a jamais été affirmé publiquement). C’est pourquoi il est difficile d’obtenir un consensus quant à la mise sur pied d’un groupe de travail pour lancer les négociations avec Taïwan sans également aborder la question de l’adhésion de la Chine. Étant donné la feuille de route de la Chine en matière de conformité commerciale et ses politiques économiques actuelles, on peut se demander si la Chine est prête à respecter les conditions d’adhésion à l’Accord. L’absence d’un consensus quant à la candidature de la Chine entraîne donc l’absence d’un consensus quant à la candidature de Taïwan, alors que certains pays comme Singapour et la Malaisie sont susceptibles de bloquer l’adhésion de Taïwan et des pays comme le Canada, le Mexique, l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont susceptibles de rejeter la candidature de la Chine. La position du Canada et du Mexique est davantage compliquée par l’article 32.10 de l’ACEUM, qui permettrait aux États-Unis de se rétracter si l’une des deux autres parties concluait un accord de libre-échange avec une économie non marchande comme la Chine. C’est pourquoi les seules percées que les membres du PTPGP ont pu réaliser sur le plan de l’adhésion pendant l’année de présidence du Canada concernent leur volonté d’entamer les négociations avec le Costa Rica en vue de son adhésion au PTPGP.

Il s’agit là d’une occasion manquée, puisqu’il aurait été avantageux de réaliser des progrès tangibles en vue d’accroître considérablement le nombre de membres. Taïwan fait partie des 25 plus grandes économies mondiales. Le pays se trouve habituellement au 21e ou au 22e rang. Le Costa Rica, en comparaison, est du menu fretin. Pour que l’Accord demeure pertinent, il ne suffit pas de mettre son texte à jour; il faut également accroître considérablement le nombre d’États qui y adhèrent. On ne peut pas le laisser se saboter lui-même avec un consensus reposant sur le plus bas dénominateur commun, comme c’est le cas pour l’ANASE. Diverses solutions créatives ont été proposées pour dénouer l’impasse sur la question de l’adhésion, y compris entamer les négociations avec toutes les économies candidates, mais poursuivre le processus uniquement avec celles qui s’avèrent véritablement prêtes, regrouper les économies candidates selon leur état de préparation et entamer les négociations en fonction des groupes créés ainsi que créer une catégorie de membres associés par l’entremise d’un accord de « partenariat stratégique ». Cette offre de partenariat stratégique établirait le bien-fondé de la candidature des économies qui souhaitent devenir membres, mais décrirait les étapes précises que chacune d’elles devrait suivre pour devenir membre à part entière.

Même s’il est évident que le président de la Commission a un rôle limité à jouer en raison de son mode fonctionnement reposant sur le consensus, il est tout de même décevant que le seul progrès réalisé en vue de régler la question de l’adhésion, outre la confirmation de l’adhésion du Royaume-Uni, ait été d’approuver l’adhésion possible du Costa Rica. (S’il est vrai que le Royaume-Uni deviendra membre du PTPGP cette année maintenant qu’au moins six membres ont ratifié sa demande d’adhésion, le Canada n’a pas encore entrepris cette démarche.) Si le PTPGP veut être pris au sérieux, la question de la Chine et de Taïwan doit être résolue, et le processus d’adhésion doit donner une marge de manœuvre à ces deux économies, puisque l’une d’elles est visiblement prête à respecter les modalités de l’Accord et l’autre contribuerait positivement au commerce international fondé sur des règles si elle devait s’engager à respecter les normes du PTPGP.

Le fait qu’à la présidence, le Canada n’ait pas pu introduire une formule pour réaliser de véritables progrès sur ce front constitue une déception. C’est pourquoi, sur ce point, j’accorderais la note « C » au Canada. Ce n’est pas tout à fait un « F », mais pas loin.

Conclusion

La gestion du processus du PTPGP par le Canada en 2024 a aidé le Royaume-Uni à terminer son processus d’adhésion à l’Accord (il est important de préciser que le Canada n’a lui-même pas été d’une grande aide, puisqu’il a retardé la ratification de l’entrée du Royaume-Uni) et a contribué à entamer les négociations d’adhésion avec le Costa Rica. Il n’y a eu aucun progrès apparent en ce qui concerne les demandes des autres économies, en particulier à l’égard de l’épineuse question de la Chine et de Taïwan, et ce, même s’il était possible de faire appel à diverses formules pour faire avancer les discussions. Cette absence de mesures commence à exercer des pressions sur la crédibilité du processus du PTPGP. Les travaux visant à mettre certains passages de l’Accord à jour, comme ceux sur la facilitation des procédures douanières et le commerce électronique, semblent s’être déroulés à un rythme prudent, alors que la déclaration de Vancouver ne fait qu’indiquer que les hauts fonctionnaires « continueront à déployer les efforts nécessaires afin de formuler des recommandations en 2025 en vue d’établir des paramètres pour les négociations ». Voilà un excellent exemple de contorsions pour éviter de prendre un engagement ferme. Pour terminer, le Canada a continué de faire avancer son programme de commerce inclusif en partenariat avec plusieurs membres du PTPGP, bien qu’il demeure difficile d’obtenir des preuves de résultats concrets, qui reposeraient sur des données empiriques, en raison de la difficulté de ventiler les statistiques sur le « commerce inclusif » à partir de données globales sur le commerce.

Le résultat global est acceptable, mais peu inspirant. On espérait que le Canada, un chef de file établi dans le secteur du commerce international, obtienne de meilleurs résultats. Une note globale de « C+ » semblerait appropriée. Il s’agit de la note de passage, mais celle-ci ne représente pas tout ce que le Canada aurait pu accomplir. Souhaitons que l’Australie puisse en faire plus à la présidence du PTPGP en 2025. 
 

 • Edité par Erin Williams, gestionnaire principale de programme, Vina Nadjibulla, vice-présidente recherche et stratégie, et Ted Fraser, rédacteur principal, FAP Canada.

Hugh Stephens

Il est actuellement vice-président du comité canadien pour la coopération économique dans le Pacifique (Canadian Committee on Pacific Economic Cooperation, CANCPEC),  membre de la direction de la faculté de politique publique de l’University of Calgary, directeur de TransPacific Connections et attaché supérieur de recherche distingué de la Fondation Asie-Pacifique du Canada. En outre, il enseigne dans le cadre du programme MBA de la Royal Roads University en tant que membre associé du corps professoral.

Avant de revenir au Canada en décembre 2009, Hugh a occupé pendant près de dix ans le poste de vice-président principal (politique publique) pour l’Asie-Pacifique chez Time Warner, au siège régional de l’entreprise à Hong Kong.

The CPTPP Bids of China and Taiwan: Issues and Implications: An Update Canada's Indo-Pacific Strategy: Analysis From Our Network The CPTPP Bids of China and Taiwan: Issues and Implications Read more >