À RETENIR
Sous la présidence de Yoon Seok Yeol, la Corée du Sud accélère sa production d’énergie nucléaire pour respecter ses engagements climatiques et renforcer sa sécurité énergétique. Cette augmentation, ainsi que les projets de nouvelles centrales nucléaires, présente non seulement des occasions commerciales et sectorielles potentielles en Corée du Sud, mais aussi des possibilités de collaboration avec le Canada. Cette transition vers l’énergie nucléaire alimente un débat au pays sur la manière d’équilibrer le rôle possible de l’énergie nucléaire dans la réduction des émissions de carbone, la sécurité énergétique et le besoin urgent de transitionner vers des énergies renouvelables, considérant les préoccupations environnementales et les questions de faisabilité économique.
EN BREF
- En 2022 et en 2023, l’électricité produite par les centrales nucléaires de la Corée du Sud, mesurée par rapport à la capacité totale, a dépassé les 80 % de manière constante, un bond significatif par rapport au creux de 65,9 % de 2018. De plus, la quantité totale d’énergie nucléaire achetée et vendue au Korea Power Exchange a atteint son plus haut niveau depuis huit ans.
- Cette résurgence constitue un changement marqué par rapport aux politiques de l’ancien président de la Corée du Sud, Moon Jae In (2017-2022), qui s’attardait surtout à la réduction de la part de l’énergie nucléaire dans la production totale d’électricité au pays et à l’arrêt de la construction de nouvelles centrales nucléaires.
- Les responsables des secteurs des affaires et de l’énergie nucléaire en Corée du Sud considèrent le retour à la production d’énergie nucléaire comme une étape importante vers l’obtention d’un approvisionnement énergétique stable et rentable, en soulignant son coût abordable par rapport au GNL et aux énergies renouvelables.
- Parallèlement, les groupes environnementalistes demandent à ce qu’on procède à une évaluation complète des impacts environnementaux, y compris l’émission de gaz à effet de serre liée à l’extraction minière de l’uranium, à son affinage et à la construction de réacteurs. Ces groupes contestent également l’argument de la faisabilité économique, notamment à la lumière des tendances énergétiques mondiales.
CONSÉQUENCES
Ce sera la prédominance de l’un de ces deux points de vue qui décidera en partie si la Corée du Sud continuera d’accorder la priorité à l’énergie nucléaire, et qui établira donc la nature des occasions pour les partenaires internationaux comme le Canada. Les partisans de l’énergie nucléaire soulignent que les centrales de la Corée du Sud comportent de nombreuses mesures de sécurité et sont souvent situées dans des villages côtiers isolés ayant un accès facilité à la terre et à un approvisionnement en eau de refroidissement nécessaire à l’exploitation des centrales. Ils disent également que l’énergie nucléaire pourrait contribuer de manière significative au développement économique régional en créant des emplois.
Toutefois, les critiques de l’augmentation de la capacité nucléaire soulèvent un certain nombre d’inquiétudes. L’une d’entre elles est le risque potentiel pour la chaîne d’approvisionnement, compte tenu de la part importante de l’uranium enrichi que détient la Russie par rapport au reste du monde. Les environnementalistes remettent aussi en doute la nécessité de l’énergie nucléaire pour stabiliser l’approvisionnement autrement intermittent d’énergie renouvelable. Les critiques soutiennent que l’augmentation de la part des énergies renouvelables, solaire ou éolienne par exemple, favorise une réduction de la production d’énergie nucléaire. Cependant, en raison des rigidités opérationnelles des centrales nucléaires, la diminution de leur production augmente les coûts de production, réduisant ainsi leurs avantages économiques.
Une autre série de critiques concerne les longs délais et les coûts élevés de la construction de centrales nucléaires. Selon les critiques, ces deux facteurs en font une réponse moins efficace aux défis climatiques urgents que, par exemple, le passage à d’autres options énergétiques propres. Enfin, les critiques soulignent les répercussions locales sur l’environnement et la santé qu’aurait l’expansion des centrales nucléaires et des réseaux de transport.
Malgré le débat en cours, une production accrue d’énergie nucléaire pourrait offrir à la Corée du Sud des occasions de collaborer avec le Canada. L’adoption récente en Corée du Sud de la Loi spéciale sur la sécurité des ressources nationales, désignant l’uranium comme une ressource primordiale, met la table pour une collaboration plus étroite avec le Canada, non seulement en tant que fournisseur d’uranium, surtout dans un contexte où les prix de l’uranium sont en hausse, mais aussi dans les domaines comme le développement de petits réacteurs modulaires, la gestion des déchets nucléaires et le déclassement des réacteurs. Les partenariats potentiels pourraient être renforcés par une coopération en regard des minéraux critiques, des dialogues entre les commissions de sûreté nucléaire des deux pays et des occasions déterminées lors des prochaines conférences sur l’énergie nucléaire.
PROCHAINES ÉTAPES
- Composer avec les politiques nucléaires
Le gouvernement Yoon ne devrait pas faire d’annonces audacieuses concernant la construction de nouvelles centrales nucléaires avant les élections législatives du 10 avril. Les préoccupations concernant l’acceptation locale, mises en évidence par des enquêtes récentes, indiquent également que le grand public soutient l’énergie nucléaire, mais beaucoup moins lorsque les centrales sont situées à proximité du lieu de vie de la personne interrogée. La résistance locale pourrait inciter le gouvernement à adopter une approche plus tempérée vis-à-vis des politiques nucléaires.
- L’énergie nucléaire obtient un soutien mondial
La 28e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, en décembre 2023, a officiellement approuvé l’énergie nucléaire pour son potentiel à atteindre la neutralité carbone et la sécurité énergétique. Les entreprises canadiennes ont fait écho à cet enthousiasme pour l’énergie nucléaire, par exemple en menant des projets de collaboration avec leurs homologues sud-coréens, y compris un récent partenariat visant à commercialiser et à déployer à l’échelle mondiale une technologie avancée de petits réacteurs modulaires. Ce genre d’initiative démontre l’engagement mondial à tirer parti de l’énergie nucléaire pour un développement durable et concorde avec l’engagement de la 28e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques.
- La guerre entre la Russie et l’Ukraine crée une ouverture
La Corée du Sud est déjà un chef de file mondial en matière d’exportation de technologie nucléaire. La guerre entre la Russie et l’Ukraine ouvre une fenêtre stratégique permettant à Séoul d’accroître ces exportations, notamment vers l’Europe de l’Est et le Moyen-Orient, où l’influence de la Russie est en déclin.
• Rédigé par les analystes de recherche de la FAP Canada : Scott Harrison Ph. D., Momo Sakudo et Tae Yeon Eom. Édition : Ted Fraser et Erin Williams. Conception : Chloe Fenemore