Point de vue : Beijing instaure des mesures de relance majeures pour stimuler l’économie, mais des enjeux structurels persistent

Beijing Unleashes Major Stimulus to Revive Economy
Mussi Katz via Flickr

À retenir

Au cours de la dernière semaine de septembre, les dirigeants politiques de la Chine ont pris leur plus audacieuse décision depuis des années, dévoilant une série de politiques plus importantes que prévu pour tenter de restaurer la confiance envers la deuxième économie mondiale.

Même si les marchés intérieurs s’étaient initialement repris, le 8 octobre, leur tendance s’est inversée lorsque des doutes se sont manifestés quant à la solidité des plans de sauvetage économique du gouvernement. Ce n’est toujours pas une certitude que Beijing sera en mesure de résoudre les problèmes structurels plus profonds qui affligent l’économie chinoise.

En bref

  • Le 24 septembre, la Banque Centrale de Chine a annoncé une série de mesures de relance économique. Les principales mesures de relance financière comprenaient une réduction des taux d’intérêt et une diminution des taux de réserves obligatoires (TRO), ce qui a permis de libérer une certaine partie des liquidités que les banques doivent conserver afin de pouvoir accorder des prêts. La réduction initiale du TRO de 5 points de pourcentage injecterait 192 milliards $ CA (1 billion de yuans) en liquidités dans le marché financier, avec une autre réduction possible plus tard cette année.
  • Le marché de l’immobilier chancelant a lui aussi reçu un solide coup de pouce : 50 millions de ménages profiteront de taux hypothécaires plus bas. De nouveaux outils seront également mis en place pour stabiliser le marché boursier, y compris la création de nouvelles facilités de swap et de réaffectation des prêts qui permettraient aux investisseurs institutionnels et aux sociétés cotées d’accéder à des obligations d’état plus sûres et plus liquides.
  • Les six plus grandes banques commerciales du pays pourraient également se voir injecter un montant total pouvant aller jusqu’à 192 milliards $ CA (1 billion de yuans), leur permettant de consacrer davantage de prêts aux projets de développement immobilier, aux gouvernements locaux endettés et au capital de risque pour les secteurs de la « nouvelle force productive » comprenant généralement des industries manufacturières modernes et frontalières.
  • Signe évident du sentiment d’urgence du gouvernement, le bureau politique du Parti communiste chinois (PCC) a organisé une réunion de politique économique le 26 septembre, soit bien plus tôt que d’habitude. Lors de la réunion, présidée par le président chinois Xi Jinping, le groupe a plaidé en faveur des « dépenses budgétaires nécessaires » pour atteindre l’objectif de croissance du PIB « d’environ 5 % » pour 2024, et a priorisé la résolution de la crise du secteur immobilier, l’amélioration de l’environnement du marché pour les investisseurs et les entreprises et la stimulation de l’emploi et de la consommation.
  • La veille de la réunion du bureau politique, le Conseil d’État chinois a émis un ensemble de lignes directrices pour « des emplois de qualité et en quantité suffisante », en mettant l’accent sur le développement des industries émergentes et des grappes de fabrication de pointe. Cette annonce aurait pu être motivée par le taux élevé de chômage chez les jeunes, ayant atteint presque 19 % en août, selon les données du bureau de statistique chinois. Le Conseil d’État a aussi approuvé une rare allocation en espèces unique pour les « personnes en situation de pauvreté extrême ».

Les conséquences

Les promoteurs immobiliers bénéficieront d’un coup de pouce. Les mesures de relance massives de Beijing ont immédiatement porté les marchés intérieurs à leur plus haut niveau depuis plusieurs années, tandis que les actions des entreprises chinoises cotées aux États-Unis ont également bondi. Certains investisseurs parient que les dirigeants chinois étaient finalement disposés à modifier leur approche en réponse aux appels des experts visant à mettre fin à la spirale déflationniste, partiellement responsable de la dépression des dépenses de consommation. Certains promoteurs immobiliers chinois en difficulté ont vu leurs actions bondir le 30 septembre, alors que la confiance des investisseurs était soutenue non seulement par la série de nouvelles mesures nationales, mais aussi par les annonces des administrations municipales des quatre plus grandes villes chinoises selon lesquelles elles retireraient les restrictions sur l’accès à la propriété et réduiraient les mises de fonds. Des mesures d’assouplissement similaires mises en place dans de plus petites villes plus tôt cette année, toutefois, n’ont pas encore amené les résultats escomptés, la valeur des propriétés résidentielles ayant chuté de 25 % par rapport à l’année précédente au cours des huit premiers mois de 2024.

Les demi-mesures pourraient ne pas suffire. Cependant, beaucoup d’analystes notent que la pléthore de nouvelles mesures de Xi Jinping n’était pas aussi agressive que ce que la Chine a fait lors de la crise financière mondiale de 2008. Cette récente offensive manque notamment de mesures financières plus décisives qui permettraient de maintenir la dynamique initiale. En outre, pour s’attaquer aux problèmes structurels plus ancrés du pays, il faudrait rééquilibrer fondamentalement l’économie chinoise afin de se concentrer davantage sur la consommation intérieure. Démontrant bien qu’il en reste encore beaucoup à faire, la subtile hausse de 7,9 % des dépenses des touristes nationaux à l’occasion de la « Golden Week » de la Fête nationale, par exemple, est très modeste comparativement aux niveaux observés en 2019.

L’optimisme qui a immédiatement suivi la mise en œuvre des mesures de relance a commencé à décliner en environ une semaine. Le discours de Xi Jinping à l’occasion de la Fête nationale, prononcé le 30 septembre, n’a en rien laissé présager une quelconque rupture politique plus radicale, mais exprimait plutôt une certaine note idéologique. Une conférence de presse très attendue par la Commission nationale du développement et des réformes, principal planificateur de Chine, s’est contentée de traiter du soutien accordé aux projets d’investissement et n’a mentionné aucune nouvelle mesure.

Si les mesures axées sur la demande continuent d’être insuffisantes, le revenu national sera toujours dirigé de manière disproportionnée vers la production intérieure plutôt que vers la consommation, ce qui maximisera le retour sur ce récent investissement alors que les industries produisent davantage, mais moins efficacement, ce qui ne manque pas d’alimenter les inquiétudes en Occident quant aux surcapacités de fabrication. Les économistes chinois comptent sur le bureau politique pour mettre en place des solutions concrètes, comme l’augmentation des émissions d’obligations, l’augmentation des transferts de fonds ciblés et le financement de projets susceptibles de créer des emplois, le tout dans l’espoir de donner aux consommateurs soucieux des coûts et réticents envers l’endettement les moyens et la confiance de dépenser.

Prochaines étapes

1. Beijing se prépare à être confronté à la réalité à la suite d’une croissance induite par les exportations

Si les producteurs chinois de véhicules électriques ont vu leurs ventes et leurs actions gonfler grâce au plan de relance, les répercussions se sont avérées plus faibles sur d’autres secteurs qui sont sous surveillance en raison d’inquiétudes quant à la surproduction.

À titre d’exemple, l’acier se trouve dans une situation plus précaire, car il dépend fortement de la demande provenant du secteur immobilier du pays, au sein duquel les stocks de propriétés invendues et inachevées demeurent élevés. Alors que la surveillance de la surcapacité chinoise se poursuit au Canada et ailleurs dans le monde, la Chine devra mettre fin à sa dépendance excessive à l’égard des exportations et se concentrer sur l’augmentation de sa consommation intérieure.

Xiaoting (Maya) Liu

Xiaoting (Maya) Liu est gestionnaire principale de programme, Chine, à la Fondation Asie-Pacifique du Canada. Elle est titulaire d'une maîtrise en affaires internationales de la School of International and Public Affairs (SIPA) de l'Université de Columbia.

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