Le 8 août, la Fondation Asie Pacifique du Canada (FAP Canada) a eu le plaisir d’accueillir le ministre de la Défense nationale du Canada, l’honorable Bill Blair, pour une discussion sur la Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique, axée sur la mise en œuvre de son objectif de « promouvoir la paix, la résilience et la sécurité ». Vina Nadjibulla, vice-présidente, Recherche et stratégie, FAP Canada, a animé la discussion. La visite du ministre Blair en Colombie-Britannique s’inscrivait dans le cadre d’un ensemble plus vaste de rendez-vous locaux qui comprenait une rencontre avec le vice-premier ministre et ministre de la Défense de l’Australie, Richard Marles, au cours de laquelle les deux alliés se sont engagés à renforcer leur « interopérabilité au moyen d’exercices multilatéraux, y compris en mer de Chine méridionale ».
Dans son allocution à la FAP Canada, le ministre a déclaré que la sécurité dans l’Indo-Pacifique est « absolument essentielle » à la sécurité et au bien-être du Canada. Par exemple, a-t-il souligné, six de nos treize principaux partenaires commerciaux se trouvent dans cette région, et les voies maritimes dont dépend l’économie canadienne, y compris le détroit de Taïwan, doivent être maintenues ouvertes et sécurisées.
« Le monde est devenu plus dangereux, plus difficile et plus incertain », a-t-il déclaré. Le ministre Blair a ajouté que le Canada est de plus en plus préoccupé par la sécurité de l’Arctique, que ce soit en raison du réchauffement rapide causé par les changements climatiques ou de l’augmentation de l’activité et de l’intérêt de la Russie et de la Chine. La situation comprend les navires de recherche à double usage chinois et les plateformes de surveillance qui recueillent des données sur le Nord canadien, a-t-il expliqué. « Bien qu’elle ne soit pas une nation arctique, la Chine cherche à devenir “une grande puissance polaire” d’ici 2030 », a déclaré le ministre Blair à l’auditoire.
À l’étranger, a-t-il dit, « la Chine défie les règles internationales » qui « nous protègent tous », ajoutant que la Chine tente de remodeler le système international de manière à l’aider à promouvoir ses propres intérêts. Toutefois, les intérêts chinois divergent de plus en plus de ceux du Canada, en particulier en matière de sécurité, comme l’a souligné le ministre Blair, la Chine cherchant à établir un contrôle exclusif de l’espace aérien international et des voies navigables dans l’Indo-Pacifique.
Regarder : Présentation vidéo Encore
Au début de juin, le ministre Blair a participé au Shangri-La Dialogue à Singapour, le principal forum de haut niveau sur la sécurité dans la région. Il a décrit son expérience comme « transformatrice », car elle lui a fait comprendre que de nombreux pays de l’Indo-Pacifique voient le monde non pas à travers une lentille bipolaire comprenant seulement les États-Unis et la Chine, comme c’est le cas dans de nombreuses régions de l’Occident, mais plutôt en termes bien plus diversifiés.
Pendant son séjour à Singapour, il a également rencontré le ministre chinois de la Défense, l’amiral Dong Jun. Il s’agissait de la première rencontre bilatérale entre les ministres de la Défense des deux pays depuis 11 ans. Au cours de cette réunion, le ministre Blair a soulevé, entre autres, les préoccupations du Canada au sujet de l’activité militaire récente de la Chine autour de Taïwan, mais il a également souligné qu’il avait hâte de poursuivre le dialogue avec son homologue chinois et de discuter des préoccupations de leurs pays respectifs. Interrogé sur les principaux objectifs de ces rencontres, le ministre a souligné la nécessité d’éviter une aggravation accidentelle des tensions en mers de Chine méridionale et orientale, et d’explorer une éventuelle collaboration sur les questions de gestion des risques de catastrophe et de changements climatiques.
Au cours de la discussion animée de l’événement, Mme Nadjibulla a interrogé le ministre sur la prévalence croissante de minigroupements latéraux qui façonnent l’architecture de sécurité de la région indo-pacifique, et lui a demandé en quoi consistaient les futures contributions canadiennes. (À l’heure actuelle, le Canada n’est membre d’aucun minigroupement latéral dirigé par les États-Unis, comme le Quad ou l’AUKUS.) Le ministre Blair a répondu en soulignant qu’en juillet, le Canada a non seulement participé à l’exercice Rim of the Pacific (RIMPAC) – le plus grand exercice maritime au monde – mais qu’un officier canadien a également commandé la composante maritime du RIMPAC. Il a ajouté que le Canada a récemment terminé un exercice maritime conjoint de deux jours en mer de Chine méridionale avec l’Australie, les Philippines et les États-Unis.
Mme Nadjibulla a aussi demandé au ministre Blair de répondre aux critiques selon lesquelles, malgré ces récents exercices conjoints, le Canada n’en fait pas assez pour contribuer à la paix et à la sécurité dans la région indo-pacifique, et se trouve exclu des réseaux dirigés par les États-Unis qui rassemblent des démocraties comme l’Australie et la Corée du Sud, entre autres. Le ministre a insisté sur le fait que le Canada s’est engagé à contribuer, notamment en faisant partie du « treillis » émergent des mini groupements latéraux. Il croit également, cependant, que le Canada doit « mériter » son rôle dans ces mini processus latéraux en apportant des avantages tangibles aux partenariats et en démontrant que ses contributions ne seront pas épisodiques, mais cohérentes et fiables.
À titre d’exemples, le ministre a cité : la signature d’un protocole d’entente en janvier entre le Canada et les Philippines pour une coopération plus étroite en matière de défense; une rencontre « à quatre » des ministres des Affaires étrangères et de la Défense du Canada et de la Corée du Sud prévue plus tard en 2024; et le travail conjoint du Canada et du Japon sur l’élaboration d’un accord général sur la sécurité des informations.
À l’échelle nationale, le Canada se concentre également sur le renforcement de sa base industrielle de défense et la réforme de ses pratiques d’approvisionnement. Ottawa a été confrontée à des questions difficiles sur le moment et la manière dont le Canada atteindra le seuil de deux pour cent du PIB pour les dépenses de défense – une cible de l’OTAN. Mme Nadjibulla a fait référence à des sondages récents qui montrent que le pourcentage de Canadiens qui appuient la hausse des dépenses de défense augmente à un rythme « sans précédent ». Le ministre Blair a ajouté qu’en expliquant aux Canadiens pourquoi leur pays devait faire ces investissements, l’accent devrait être mis sur le fait qu’il ne s’agit pas de se préparer aux conflits, mais plutôt d’essayer de les éviter.
Un membre de l’auditoire a interrogé le ministre Blair sur l’invocation par la Chine de « lignes rouges » dans ses négociations internationales, soulignant que bon nombre d’entre elles sont, en fait, des questions de négociation légitime. Cette personne a souligné que c’était particulièrement le cas pour les questions impliquant des revendications territoriales sur des points précis des eaux internationales, tels que la mer de Chine méridionale. Ces « lignes rouges » sont une tactique de négociation de la Chine, a ajouté le membre de l’auditoire, et le Canada ne devrait pas prendre de telles affirmations au pied de la lettre.
Cette même personne a également fait remarquer qu’il y avait eu beaucoup de discussions sur la cible de l’OTAN des deux pour cent du PIB pour les dépenses militaires, mais qu’une grande partie de ces discussions avait porté sur une augmentation des dépenses en matériel militaire alors que le Canada devrait se concentrer sur la menace actuelle, c’est-à-dire le domaine cybernétique.
Un autre membre de l’auditoire a demandé quelle était la réponse du ministre à la crise politique qui se déroulait au Bangladesh. Le ministre Blair a réitéré le ferme soutien du Canada au rétablissement de la loi et de l’ordre, ajoutant qu’il estimait qu’une responsabilité devait être prise pour la violence ayant eu lieu au Bangladesh. La décision de nommer un gouvernement intérimaire est un signe encourageant, a-t-il noté, mais le Canada devra surveiller la situation de près.
• Edité par Vina Nadjibulla, vice-présidente recherche et stratégie, FAP Canada.