Conclusions principales
Les accusations portées par les États-Unis contre le magnat indien Gautam Adani pour conspiration de fraude sur la sécurité et sur les transferts électroniques pourraient avoir de lourdes conséquences sur la gouvernance des entreprises en Inde et le contrôle du respect des réglementations. Elles pourraient également avoir des répercussions sur les ambitions du pays en matière d'énergies propres, certains investisseurs internationaux réévaluant leur exposition aux marchés indiens. Une caisse de retraite canadienne renommée fait également l'objet d'un examen concernant l'implication présumée de trois de ses anciens administrateurs dans des projets similaires à ceux d'Adani. Alors que l'affaire évolue, la réponse réglementaire de l'Inde et sa capacité à restaurer la confiance des investisseurs seront cruciales pour déterminer la stabilité future de ses marchés.
En Bref
- L’acte d’accusation pénal à cinq chefs d'accusation a été rendu public le 21 novembre dans le district de l'Est de New York. Les accusations ont été portées contre le milliardaire indien Gautam Adani et sept autres personnes, dont son neveu, qui auraient prétendument commis des actes de corruption d'une valeur de 250 millions de dollars américains relatifs à des projets indiens d'énergie solaire. Adani et deux autres personnes ont été formellement inculpés pour falsification de documents financiers présentés à des investisseurs américains.
- Les accusations des États-Unis concernent principalement l'entreprise Adani Green Energy Ltd. (AGEL), l'une des plus grandes entreprises indiennes d'énergies renouvelables, et impliquent d'anciens administrateurs de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) pour leur présumée implication dans la facilitation d'un stratagème de corruption. Ces employés en question ont été licenciés en 2023 et la CDPQ collabore avec les autorités.
- Le groupe Adani a démenti les allégations, les qualifiant d'infondées, et a promis qu'il épuisera "tous les recours juridiques" à sa portée. Une semaine après que les accusations ont été descellées, AGEL a clarifié que — contrairement à ce qui est médiatisé — Adani, son neveu Sagar Adani, et son directeur général Vneet S. Jaain, n'ont pas été inculpés de corruption selon le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA), la loi fédérale américaine pour lutter contre la corruption d'agents publics à l'étranger.
- AGEL a nié toute violation de la FCPA, affirmant que les individus n'ont été inculpés que pour des accusations plus générales de fraude, et non pour des accusations spécifiques de versement de millions de dollars en pots-de-vin ou d'obstruction à la justice.
- L'empire Adani, comprenant des activités dans l'énergie, les ports et les infrastructures, a récemment rebondi après une perte de plus de 60 milliards de dollars américains en 2023. Cette chute faisait suite aux accusations portées par Hindenburg Research, un cabinet d'analyse financière de petite taille, qui reprochait au groupe d'avoir eu recours à la fraude et à la manipulation de fonds. Adani a répondu aux accusations dans une réfutation de 413 pages, qualifiant les allégations de « combinaison malveillante de désinformation sélective. » Le conglomérat a affirmé avoir « toujours été en conformité avec les réglementations. »
- L'affaire Adani soulève des questions sur l'intégrité des normes de gouvernance dans les entreprises indiennes et pourrait impacter les investissements étrangers dans le secteur de l'énergie verte en Inde.
Implications
Les accusations ont eu un effet de ricochet sur les marchés internationaux. À la suite de l'annonce de l'inculpation, le président kenyan William Ruto a annulé un contrat d'une valeur de 1,85 milliard de dollars pour un projet de modernisation d'aéroport, ainsi qu'un contrat de 736 millions de dollars américains pour l'énergie avec Adani, en raison d’ « informations crédibles de corruption ». Il a ajouté que le Kenya trouverait d'autres partenaires. Le Bangladesh, quant à lui, serait en train de réévaluer les conditions de son contrat avec Adani Power, face à des critiques internes croissantes concernant les coûts élevés des importations d'électricité. Parallèlement, le Sri Lanka reconsidère ses projets d'énergie éolienne soutenus par Adani dans les villes de Mannar et Pooneryn.
Les répercussions ont aussi atteint les investisseurs internationaux, notamment TotalEnergies, l'entreprise française d'énergie et de pétrole, qui a gelé ses contributions financières aux projets d'Adani jusqu'à ce que les accusations des États-Unis soient résolues. Étant un partenaire clé dans les ambitions du secteur des énergies renouvelables en Inde, la position de TotalEnergies reflète une prudence accrue des acteurs internationaux vis-à-vis des pratiques de gouvernance au sein des grandes entreprises indiennes. Tandis que les investisseurs réévaluent leur positionnement, le gouvernement du Premier ministre indien Narendra Modi subit une pression accrue pour restaurer la confiance et dissiper les perceptions de « capitalisme de connivence » qui menacent les aspirations économiques mondiales de l'Inde.
Les ambitions de l'Inde en matière d'énergie propre ont probablement subi un revers significatif. Les accusations de fraude contre le groupe Adani menacent de compromettre sérieusement la trajectoire de l'Inde vers une transition énergétique propre. Le conglomérat a joué un rôle crucial dans la stratégie indienne visant à atteindre ses objectifs ambitieux d'approvisionnement en énergies renouvelables d'ici 2030. Actuellement, l'entreprise fait face à des défis majeurs en termes de réputation, susceptibles de compromettre son rôle moteur dans le développement des secteurs de l'énergie solaire et éolienne en Inde. Cette situation pourrait entraîner un ralentissement significatif des progrès du pays dans sa quête d'autonomie vis-à-vis des importations solaires chinoises. La débâcle financière du groupe Adani a entraîné l'annulation d'investissements de 600 millions de dollars et une perte de capitalisation boursière de 55 milliards de dollars. Ces revers soulèvent de sérieuses inquiétudes quant au financement des projets essentiels à la transition énergétique indienne.
Une caisse de retraite majeure sous inspection. La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), plus grande caisse de retraite du Québec et détentrice d'environ 53 % d'Azure Power d'Adani, pourrait faire face à des risques réputationnels suite aux accusations portées contre trois de ses administrateurs pour leur prétendue implication dans un complot de corruption. Les procureurs américains ont inculpé les personnes impliquées de complot visant à violer la loi sur les pratiques de corruption à l'étranger, les accusant d'avoir facilité le versement de plus de 250 millions de dollars en pots-de-vin pour obtenir des contrats en Inde. La CDPQ a licencié les trois employés visés par les accusations en 2023 pour des raisons non divulguées et affirme coopérer avec les autorités américaines.
OMERS, le régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario et deuxième plus grand actionnaire d'Azure Power, détient une participation de 21 % via sa branche d'infrastructure suite à un investissement de 219 millions de dollars en 2021. In light of the Adani Group’s ongoing legal turmoil, other Canadian pension funds active in India could feel pressure to reassess their investments.
Ce qui suit
- Développements juridiques et réactions des investisseurs
Si reconnu coupable, Adani pourrait faire face à de lourdes conséquences légales, incluant des amendes, des sanctions et un accès limité aux marchés américains, ce qui entraverait sa capacité à lever des fonds. Les experts alertent que ce scandale pourrait ralentir l'expansion et la croissance du groupe, rendant plus difficile le financement de projets futurs.
La confiance des investisseurs semble déjà ébranlée. Les principaux investisseurs dans le groupe Adani ont vu la valeur de leurs actions chuter. GQG Partners, un cabinet d'investissement international coté à l'Australian Securities Exchange (ASX) et basé aux États-Unis, ayant investi 10 milliards de dollars dans les entreprises d'Adani, a enregistré une baisse de 21 % de ses actions. Certains fonds ESG, auparavant intéressés par le portefeuille d'énergies renouvelables d'AGEL, réévaluent également leurs participations.
- Inspection accrue de l'environnement réglementaire en Inde
Des appels se multiplient pour une intervention du Conseil des valeurs mobilières et des changes de l'Inde, particulièrement dans le secteur des énergies renouvelables où la gouvernance est cruciale. La réaction tardive du conseil aux accusations d'Hindenburg et récemment aux allégations de fraude et de versements de pots-de-vin soulève des questions quant à son efficacité. Cette inspection pourrait entraîner de vastes réformes réglementaires dans les secteurs dominés par les conglomérats. Avec l'attention internationale attirée sur la mauvaise conduite présumée du groupe, l'Inde subit des pressions pour améliorer sa transparence et mettre en œuvre des normes plus strictes.