Le Sommet des pays BRICS renforce la solidarité entre les pays du Sud malgré des priorités divergentes

BRICS Summit leaders 2024
Photo : Sergei Bobylev, brics-russia2024.ru Host Photo Agency gracieuseté de Wikimedia Commons

À retenir

Le 16sommet annuel des pays BRICS, qui s’est tenu du 22 au 24 octobre 2024 dans la ville russe de Kazan, a mis en lumière l’influence géopolitique et économique croissante du bloc, dont les membres représentent désormais 45 % de la population mondiale et 28 % du PIB mondial.

L’Inde, la Chine et la Russie, trois des quatre membres fondateurs de l’Union, sont sorties du sommet avec des acquis diplomatiques notables : la Russie, en tant qu’hôte, a démontré qu’elle n’était pas isolée sur la scène mondiale et l’Inde et la Chine ont conclu un accord clé juste avant le début du sommet afin d’apaiser les tensions à leur frontière commune, qui a été le théâtre de violents affrontements en 2020.

Toutefois, les divergences entre les États membres restent un obstacle important à la réalisation de certains objectifs clés du bloc, tels que la mise en place d’un système de paiement international de substitution pour contester la domination du dollar américain.

En bref

  • Les BRICS – acronyme de Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud – ont été créés en 2010 pour réformer le système de gouvernance mondiale dominé par l’Occident et approfondir la collaboration économique entre ses membres. Lors du sommet d’octobre, quatre nouveaux membres – l’Égypte, l’Éthiopie, l’Iran et les Émirats arabes unis – ont été ajoutés à la liste, ainsi que 13 « pays partenaires », dont quatre de la région Indo-Pacifique, soit l’Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande et le Vietnam.

  • Lors du sommet, les participants ont lancé de vibrants appels à la « dédollarisation », y compris des plans visant à promouvoir un autre système de paiement transfrontalier qui contourne le SWIFT, le réseau de messagerie utilisé par les banques pour échanger des instructions de paiement internationales. Dix banques russes étant bloquées par le SWIFT, l’utilisation de monnaies locales pour commercer au sein des nations BRICS et réduire la dépendance au dollar américain est particulièrement cruciale pour la Russie, qui est frappée par des sanctions occidentales depuis son invasion totale de l’Ukraine en 2022.

Les conséquences

L’engagement des pays BRICS en faveur d’un système de paiement international de substitution s’intensifie, mais il se heurte à des difficultés. En plaidant pour la dédollarisation, le président russe Vladimir Poutine a ouvert le sommet en condamnant ce qu’il considérait comme l’utilisation du dollar américain comme une arme géopolitique et a plaidé en faveur d’un nouveau système de paiement pour contourner les sanctions. La déclaration commune du sommet a souligné les objectifs de renforcement de la coopération financière et de promotion du commerce en monnaie locale, y compris les projets d’expansion d’un système de paiement international qui pourrait être une solution de rechange au réseau SWIFT.

Toutefois, si certains pays membres des BRICS commercent déjà en monnaies locales – notamment la Russie et la Chine, ainsi que l’Inde et les Émirats arabes unis – et sont favorables à une plus grande souveraineté financière, tous les membres ne s’entendent pas entièrement sur la tendance à la dédollarisation. Alors que la Chine et la Russie sont impatientes de réduire leur dépendance à l’égard du dollar américain, l’Inde et le Brésil se montrent plus prudents, privilégiant des changements progressifs qui préservent les relations commerciales existantes avec l’Occident. Cette divergence suggère que, même si les membres des BRICS peuvent promouvoir des solutions de remplacement, il est peu probable que la dédollarisation progresse de manière notable dans un avenir immédiat. En outre, le dollar américain continue de dominer le paysage financier mondial, avec 80 % du commerce mondial réglé en dollars américains et près de 60 % des réserves des banques centrales détenues dans cette monnaie.

L’Inde et la Chine entament un rapprochement – en partie. Le premier ministre indien Narendra Modi et le président chinois Xi Jinping se sont officiellement rencontrés pour la première fois en cinq ans en marge du sommet, après un gel profond des relations entre les deux pays résultant de violents affrontements survenus en 2020 dans la région frontalière himalayenne du Ladakh. Ces incidents ont entraîné la mort de 20 soldats indiens et de quatre soldats chinois. L’annonce faite le 21 octobre par le ministre indien des Affaires étrangères, Vikram Misri, selon laquelle les deux parties étaient parvenues à un accord pour reprendre les opérations de patrouille, qui avaient été réduites en 2020, a suscité de plus en plus de spéculations quant à la possibilité d’un dégel des relations.

On ne sait toujours pas si le statu quo antérieur à 2020 a été entièrement rétabli. L’Inde craignait que les troupes chinoises n’aient franchi la frontière de facto – connue sous le nom de ligne de contrôle effectif (LAC) – en 2020 et n’aient occupé un territoire du côté indien de la LAC. En outre, si le récent accord frontalier peut apaiser les tensions entre les troupes indiennes et chinoises dans la région du Ladakh, Beijing et New Delhi semblent loin d’une résolution complète concernant leur frontière longue de 4 000 kilomètres, qui reste largement contestée. Les deux pays continuent également à se disputer l’influence du Bangladesh, du Népal et du Sri Lanka.

Prochaines étapes

1. Les pays BRICS, porte-voix des nations du Sud

La montée en puissance des pays BRICS en tant que défenseurs des nations en développement et de leurs préoccupations a été soulignée lors des discussions du sommet, qui ont porté sur le renforcement de la coopération entre les membres du Sud sur des enjeux clés comme la sécurité alimentaire, l’énergie et l’infrastructure. Les discussions ont aussi fait ressortir le rôle accru de la Nouvelle banque de développement – la banque multilatérale de développement des BRICS – dans le financement du développement dans le Sud et dans son affirmation comme une option viable par rapport aux institutions de Bretton Woods dominées par l’Occident. La Déclaration de Kazan, publiée à l’issue du sommet des pays BRICS, plaide également en faveur de réformes d’institutions multilatérales clés telles que le Conseil de sécurité des Nations unies.

2. Manque de cohésion

Contrairement à la Russie et à la Chine, le Brésil et l’Inde restent prudents quant à l’adoption par le bloc d’une position ouvertement anti-occidentale, préférant pousser à la réforme au sein des institutions existantes plutôt qu’à une confrontation directe avec l’ordre dirigé par les États-Unis. Les liens actuels de l’Inde avec les États-Unis semblent d’ailleurs plus forts que jamais. Parallèlement, bien que les tensions entre l’Inde et la Chine – de loin les deux plus grands membres des BRICS – se soient quelque peu apaisées le long de leur frontière contestée, les deux pays sont toujours enfermés dans une rivalité régionale de plus en plus profonde.

En outre, si le nombre de membres du bloc augmente, son expansion risque de le fragmenter, car les intérêts divergents concernant le commerce mondial et la géopolitique rendront de plus en plus difficile le maintien d’un plan d’action unifié.

Suvolaxmi Dutta Choudhury

Suvolaxmi Dutta Choudhury est gestionnaire de programme pour l’Asie du Sud au sein de la FAP Canada. Elle est titulaire d’une maîtrise en politique internationale de la Jawaharlal Nehru University (Inde). Ses recherches portent sur les droits de citoyenneté, la migration, le nationalisme, les conflits ethniques et la gouvernance démocratique en Inde.

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Tanya Dawar

Tanya Dawar est chercheuse au sein de l'équipe de l'Asie du Sud à la Fondation Asie-Pacifique du Canada. Elle est titulaire d’une maîtrise en politiques publiques et affaires mondiales de l’Université de la Colombie-Britannique, d’une maîtrise en économie de l’Indian Institute of Foreign Trade et d’un B.Sc. en sciences économiques. en mathématiques (avec distinction) de l'Université de Delhi. 

Les intérêts de recherche de Tanya comprennent le commerce international, les questions environnementales et la politique mondiale.

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Suyesha Dutta

Suyesha Dutta est chercheuse-boursière au sein de l'équipe Asie du Sud de la Fondation Asie Pacifique. Elle a obtenu une maîtrise en Études modernes de l'Asie du Sud à l'Université d'Oxford et une licence à l'Université de Colombie britannique, avec une double spécialisation en Histoire et en Études européennes modernes. Ses recherches portent sur la violence étatique et la mobilisation politique dans l'Inde postcoloniale.

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