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Le résultat des élections nationales au Pakistan crée la surprise chez l’armée et le corps politique

À retenir

Les élections générales du 8 février au Pakistan, qui ont eu lieu plus tard que prévu en raison de troubles politiques et économiques et de menaces pour la sécurité, n’ont pas permis à l’ancien premier ministre Nawaz Sharif et à son parti, la Ligue musulmane (PML-N), de remporter la victoire tant attendue. Aucun parti n’ayant obtenu de majorité claire à l’Assemblée nationale pakistanaise, les partis qui ont obtenu le plus grand nombre de voix tenteront de former un gouvernement de coalition, alors que l’instabilité politique suscite de plus en plus d’inquiétudes, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Pakistan, et ce, compte tenu de la position stratégique du pays dans une région instable et de ses relations complexes avec ses voisins, l’Inde, l’Afghanistan et l’Iran.

En bref

  • L’ancien premier ministre populiste Imran Khan a été limogé en 2022 après une motion de censure et est emprisonné depuis mai 2023 pour de multiples chefs d’accusation. Au cours de la période précédant les élections, son parti, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), s’est vu interdire par la Commission électorale du Pakistan d’utiliser son célèbre symbole de la batte de cricket sur le bulletin de vote. Par conséquent, les candidats soutenus par le PTI se sont présentés en tant qu’indépendants. Ces candidats ont néanmoins remporté le plus grand nombre de sièges, soit 93, à l’Assemblée nationale qui compte 336 membres.
  • Nawaz Sharif, trois fois premier ministre, et le PML-N ont remporté 75 sièges, soit le deuxième plus grand nombre de sièges de tous les partis. Alors que Sharif a été condamné en 2017 pour corruption, son retour dans le processus électoral a apparemment été rendu possible par le soutien de la puissante armée pakistanaise.
  • Un jour avant le scrutin, le 7 février, deux attentats à la bombe ont fait au moins 30 morts. Ils ont été perpétrés dans les bureaux électoraux d’un candidat indépendant et du parti Jamiat Ulema-e-Islam (JUI) dans la province du Baloutchistan. Invoquant la « détérioration de la situation en matière de sécurité », le gouvernement a imposé une interruption nationale des services de téléphonie mobile et d’Internet le jour de l’élection.
  • De nombreux Pakistanais estiment que les élections n’ont pas été totalement libres ni équitables. Le Canada ainsi que d’autres pays occidentaux ont également condamné « l’absence de processus démocratique libre, équitable et transparent. »

Implications 

Le nouveau gouvernement devra composer avec un paysage politique trouble. Pendant la période précédant les élections, les partisans de Khan ont accusé le gouvernement et l’armée d’intimidation et de manipulation électorale. La police a réprimé les rassemblements massifs organisés en faveur de Khan en 2023, arrêtant de nombreux membres du PTI. Beaucoup de partisans du PTI dénoncent une fraude électorale et considèrent le soutien apparent de l’armée au PML-N comme une prise de contrôle militaire déguisée. Il est important de rappeler que sur les 76 ans d’histoire de l’indépendance du Pakistan, 30 ont été passés sous un régime militaire direct. L’armée a également exercé une influence indirecte sous les mandats de gouvernements civils.

Il est crucial d’empêcher l’émergence de nouvelles crises économiques. Le nouveau gouvernement devra également rétablir un semblant de stabilité économique tout en luttant contre la crise énergétique en cours et une inflation dépassant les 28 %. La situation s’est aggravée en juin 2023, lorsque les réserves de change se sont effondrées, faisant craindre que le pays ne puisse pas rembourser sa dette. Le premier ministre sortant Shehbaz Sharif, frère de Nawaz Sharif, a obtenu une aide du FMI en juillet 2023 avant la fin de son mandat, mais le gouvernement intérimaire a eu du mal à respecter les conditions du FMI. La phase actuelle de l’aide du FMI se termine en mars, ce qui signifie que le nouveau gouvernement aura peu de temps pour renégocier les conditions. Le Pakistan est confronté à une crise de la dette imminente, avec 22 milliards $ US en titres de créance de dette extérieure dus d’ici juin 2024.

Le Pakistan est confronté à de graves problèmes de sécurité. Le changement de gouvernement intervient dans un contexte de crises sécuritaires et diplomatiques à la hausse. Rien qu’en 2023, les attaques terroristes dans le pays ont fait plus de 1 500 morts. La résurgence des attaques du Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), également connu sous le nom de talibans pakistanais, a aussi mis en évidence les failles en matière de sécurité du pays. Au nord, les tensions avec le gouvernement taliban afghan ont poussé Islamabad à expulser près de deux millions de migrants afghans fin 2023. À l’ouest, le Pakistan a lancé des frappes de missiles sur l’Iran en janvier, en représailles à des frappes iraniennes sur le Pakistan quelques jours plus tôt. À l’est, le Pakistan doit gérer des tensions avec son rival de longue date, l’Inde, qui ont été récemment exacerbées par les allégations d’Islamabad selon lesquelles New Delhi aurait orchestré des assassinats sur le territoire pakistanais.

Prochaines étapes :

  • Les défis liés à la formation d’un nouveau gouvernement

Selon la constitution pakistanaise, les partis doivent former un gouvernement dans les trois semaines suivant le jour des élections. Aucun parti n’ayant obtenu la majorité − les 93 sièges des candidats soutenus par le PTI sont bien loin du seuil de 169 − il est probable qu’un gouvernement de coalition se forme. Des rapports suggèrent que le PML-N de Sharif pourrait s’associer au Parti du peuple pakistanais, en troisième position avec 54 sièges, pour former le prochain gouvernement.

Comme l’armée devrait continuer à exercer son influence, le nouveau gouvernement sera contraint de coopérer avec elle pour résoudre les problèmes de sécurité du pays. L’armée a également été directement impliquée dans l’introduction de réformes économiques. Toutefois, ces efforts s’accompagneront probablement de manifestations et d’instabilité politique si un nouveau gouvernement est mis en place sans tenir compte du mandat populaire.

  • Érosion de la coopération avec l’Occident

Les relations du Pakistan avec les puissances occidentales se sont récemment tendues, notamment en raison du renforcement des liens entre les États-Unis et l’Inde dans le cadre d’une stratégie visant à faire face à la Chine. Compte tenu de ses relations étroites avec Beijing, il est peu probable que le Pakistan s’aligne sur les puissances occidentales dans cet effort. En outre, M. Khan a accusé les États-Unis d’être impliqués dans sa déchéance en 2022, ce qui a alimenté le sentiment populaire anti-américain. Cette détérioration des relations avec l’Occident pourrait entraver davantage les efforts du Canada pour aider et réinstaller les réfugiés afghans au Pakistan.

• Produit par l’équipe d’Asie du Sud de la FAP Canada : Suvolaxmi Dutta Choudhury, gestionnaire de programmes, et Suyesha Dutta, chercheuse-boursière. Rédacteurs : Erin Williams et Ted Fraser. Designer graphique : Chloe Fenemore

Suvolaxmi Dutta Choudhury

Suvolaxmi Dutta Choudhury est gestionnaire de programme pour l’Asie du Sud au sein de la FAP Canada. Elle est titulaire d’une maîtrise en politique internationale de la Jawaharlal Nehru University (Inde). Ses recherches portent sur les droits de citoyenneté, la migration, le nationalisme, les conflits ethniques et la gouvernance démocratique en Inde.

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Suyesha Dutta

Suyesha Dutta est chercheuse-boursière au sein de l'équipe Asie du Sud de la Fondation Asie Pacifique. Elle a obtenu une maîtrise en Études modernes de l'Asie du Sud à l'Université d'Oxford et une licence à l'Université de Colombie britannique, avec une double spécialisation en Histoire et en Études européennes modernes. Ses recherches portent sur la violence étatique et la mobilisation politique dans l'Inde postcoloniale.

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