Woman carries water in Bengaluru

Bengaluru, le centre technologique de l’Inde, est ébranlée par la pénurie d’eau

À retenir

La ville indienne du sud de Bengaluru (Bangalore) – la « Silicon Valley de l’Inde » – est confrontée à une grave pénurie d’eau. La capitale de l’État méridional du Karnataka, Bengaluru, a connu des mois de février et de mars exceptionnellement chauds et une faible pluviosité, une situation qui devrait s’aggraver à mesure que les ressources en eau douce s’épuisent et que des vagues de chaleur continuent de frapper les 13 millions de résidents de la ville. 

Bengaluru water crisis
Une femme transporte des contenants d’eau après les avoir remplis à un camion-citerne municipal au cours de la pénurie d’eau à Bengaluru le 15 mars 2024. | Photo : Idrees Mohammed/FAP via Getty Images

L’une des villes les plus florissantes du monde, Bengaluru, abrite le secteur indien des services de technologie de l’information, qui représente 194 milliards de dollars américains, ainsi que des entreprises mondiales comme Google et Walmart et des entreprises canadiennes comme Lululemon Athletica et la Compagnie de la Baie d’Hudson. Étant donné que de nombreuses entreprises rencontrent des problèmes d’exploitation et d’approvisionnement, l’urgence écologique actuelle soulève également des inquiétudes quant à l’avenir de la ville en tant que centre économique et technologique. Lorsque les résidents de Bengaluru ont voté le 26 avril dernier aux élections nationales massives en sept phases de l’Inde, la pénurie d’eau régissait la vie de l’électorat de cette cité technologique.

En bref

  • Depuis 1990, la population de Bengaluru a triplé, la ville étant devenue un important centre technologique. Cette croissance a lourdement taxé les ressources naturelles de la ville, les lacs s’étant asséchés et les forêts ayant été rasées à des fins d’urbanisation.
  • La baisse marquée des niveaux d’eau souterraine et l’incapacité des réseaux municipaux à répondre aux besoins croissants ont entraîné une pénurie d’eau courante dans les logements de la ville et a poussé les résidents à se tourner vers des services de camions-citernes privés pour acheter de l’eau pour leur usage quotidien. Plus de 1 600 camions-citernes appartenant à environ 600 entreprises d’approvisionnement en eau fournissent de l’eau dans toute la ville.
  • Le gouvernement de l’État a maintenant pris le contrôle de ces services de camions-citernes privés pour empêcher que les prix continuent à augmenter. Toutefois, les critiques font remarquer que d’un grand nombre d’entre eux ont réussi à contourner les efforts du gouvernement et que les prix ont continué à monter en flèche, rendant cette ressource essentielle de plus en plus inabordable pour bien des gens. Depuis mars, les résidents auraient reçu de l’eau de camions-citernes toutes les semaines ou toutes les deux semaines seulement, car les autorités locales continuent de les prier de limiter leur consommation d’eau.
  • La pénurie d’eau a enflammé la rancœur partisane et suscité l’apathie des électeurs dans la ville lors des élections nationales cruciales de l’Inde, qui se poursuivent jusqu’au 1er juin. Les électeurs de l’un des quartiers huppés de Bengaluru ont déclaré qu’ils allaient boycotter les élections nationales pour protester contre l’inaction du gouvernement dans le dossier de l’approvisionnement en eau de la ville.

Implications

La pénurie d’eau provoque des querelles partisanes pendant les élections vitales. On assiste à une chasse aux coupables entre le Bharatiya Janata Party (BJP), le parti du premier ministre indien Narendra Modi, qui dirige le gouvernement central, et le Parti du Congrès, qui dirige le gouvernement de l’État du Karnataka. Alors que les deux partis ont parlé de la pénurie d’eau dans leurs campagnes municipales, les préoccupations écologiques et climatiques n’ont pas été considérées comme des enjeux nationaux. Entre-temps, les électeurs dans Bengaluru insistent sur le fait que ces problèmes sont existentiels, car beaucoup d’entre eux ne peuvent pas prendre une douche ou tirer la chasse.

Modi lui-même a fait campagne contre le Parti du Congrès dans la ville, le blâmant pour le passage de Bengaluru d’une « cité technologique à une ville de camions-citernes ». Selon Nirmala Sitharaman, ministre des Finances du gouvernement Modi, le gouvernement de l’État dirigé par le Parti du Congrès a bloqué les projets d’eau du gouvernement central et a permis à la « mafia des camions-citernes » de sévir en toute impunité. Le Parti du Congrès, quant à lui, a jeté le blâme sur le BJP, qui contrôlait le gouvernement de l’État avant qu’il accède au pouvoir en 2023.

Les préoccupations augmentent quant à la résilience économique du centre technologique. Les entreprises de Bengaluru feraient face à des difficultés opérationnelles, à des coûts croissants et à des perturbations de la chaîne d’approvisionnement en raison de la pénurie d’eau. Par exemple, Reuters a rapporté que les gestionnaires de plusieurs multinationales ont dû accommoder les employés qui ne pouvaient pas assister aux réunions d’équipe parce qu’ils tentaient de se procurer de l’eau aux camions-citernes. Si de tels problèmes persistent, les investisseurs pourraient commencer à chercher des solutions de rechange, comme l’ont indiqué 61 % des répondants à un sondage mené sur les médias sociaux par le Deccan Herald, basé au Bengaluru, auprès d’investisseurs immobiliers. La situation critique de Bengaluru est également une source d’inquiétude pour les parties prenantes canadiennes, car la ville abrite plusieurs entreprises canadiennes comme OpenText, CGI inc. et d’autres. L’entreprise canadienne Lululemon Athletica y a ouvert un carrefour technologique en 2021, le tout premier à l’extérieur de l’Amérique du Nord.

Prochaines étapes : 

1. Signes précurseurs d’autres perturbations écologiques

Bengaluru a perdu 66 % de ses forêts et 74 % de ses lacs et rivières. Environ 70 % de l’eau potable de la ville provient de la rivière Cauvery, qui s’assèche en raison de la faiblesse des pluies. Au cours des dernières décennies, Bengaluru a vu une augmentation stupéfiante de 1 055 % des activités de construction pour faire face à l’urbanisation rapide. Les répercussions des changements climatiques se font sentir sous la forme des vagues de chaleur extrêmes d’El Niño dans différentes régions de l’Inde. Selon les propres estimations du gouvernement national en 2018, on prévoyait que 40 % de la population du Bengaluru n’aurait pas accès à de l’eau potable d’ici la fin de la présente décennie.

2. Besoin urgent d’un système de gestion de l’eau plus efficace  

À l’heure actuelle, la Bangalore Water Supply and Sewerage Board (BWSSB), l’organisme chargé de gérer la pénurie, peut fournir seulement 1 450 millions de litres d’eau par jour sur les 2 100 millions dont la ville a besoin. Il est donc crucial de trouver un système de gestion de l’eau plus efficace. Le désenvasement, le reboisement et la régénération des lacs séchés seraient des solutions prometteuses pour atténuer la pénurie. Le BWSSB se tourne également vers l’intelligence artificielle afin d’optimiser les coûts opérationnels, de réduire le gaspillage et d’assurer une extraction efficace des ressources en eau. L’exemple de sociétés de technologie propre canadiennes comme Trojan Technologies, qui a joué un rôle dans le nettoyage de l’eau des rivières en Inde (le Clean Ganga Project), montre aussi comment la coopération technologique peut ouvrir la voie à des solutions durables.

• Rédactrice : Erin Williams. Design graphique : Chloe Fenemore.

Deeplina Banerjee

Deeplina Banerjee est chercheuse-boursière au sein de l’équipe Asie du Sud-Est de la Fondation Asie Pacifique du Canada. Elle est actuellement candidate au doctorat à la Western University. Sa recherche doctorale vise à comprendre les points forts et les limites de la stratégie d’intervention du Canada en faveur des Rohingyas à Cox’s Bazar, au Bangladesh. Ses recherches portent sur l’intelligence artificielle, l’automatisation et l’avenir du travail, les énergies renouvelables et propres, l’emploi vert et les relations entre le Canada et l’Asie du Sud. Le genre est un thème transversal dans ses recherches.

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Suvolaxmi Dutta Choudhury

Suvolaxmi Dutta Choudhury est gestionnaire de programme pour l’Asie du Sud au sein de la FAP Canada. Elle est titulaire d’une maîtrise en politique internationale de la Jawaharlal Nehru University (Inde). Ses recherches portent sur les droits de citoyenneté, la migration, le nationalisme, les conflits ethniques et la gouvernance démocratique en Inde.

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