Conclusions principales
Le département du Trésor américain a finalisé les nouvelles restrictions les investissements américains dans les secteurs technologiques critiques en Chine. Ces restrictions s'inscrivent dans une stratégie plus large visant à freiner l'utilisation potentielle de ces technologies de pointe à des fins militaires par la Chine.
Les nouvelles réglementations devraient affecter les activités des entreprises transfrontalières de tous types et les investisseurs, et pousser à des changements politiques chez les alliés américains, y compris le Canada.
En Bref
- Ces restrictions, qui entreront en vigueur le 2 janvier 2025, affecteront les investissements des individus et entreprises américains dans les secteurs de technologies critiques en République populaire de Chine, à Hong Kong et à Macao.
- Les réglementations découlent d'un décret exécutif d'août 2023 du président Joe Biden, qui a exprimé des préoccupations pour la sécurité nationale concernant l'accès de la Chine à des technologies de pointe telles que l'intelligence artificielle, les semi-conducteurs, la microélectronique et l'informatique quantique. Ces technologies sont considérées comme « essentielles au développement de la prochaine génération d'applications militaires, de cybersécurité, de surveillance et de renseignement »
- Les nouvelles réglementations ciblent spécifiquement des technologies comme les logiciels d'automatisation, les technologies de détection et les systèmes de communication quantique.
- Divers types d'investissements seront touchés, notamment ceux visant à stimuler la croissance des entreprises et à former des coentreprises. Ces restrictions pourraient également compliquer les projets d'entités américaines de construire des sites de recherche et développement en Chine, comme la proposition de Tesla d'établir un centre de données pour le développement des capacités d'IA de ses véhicules autonomes.
Implications
L'industrie chinoise des technologies de pointe pourrait être privée de financements, réseaux, connaissances et transferts technologiques cruciaux. Cependant, le département du Trésor des États-Unis définit étroitement les types de technologies concernées, précisant que ces restrictions ne visent pas à « interdire toutes les activités d'investissement dans les pays concernés », mais plutôt à cibler « des catégories discrètes de transactions » ayant des implications militaires et sécuritaires. Des exceptions ont été prévues pour certaines catégories d'investissements, notamment les actions et obligations cotées en bourse. Ces nouvelles réglementations s'alignent sur l'approche « small yard, high fence » (petite cour, hautes clôtures) de l'administration Biden, visant à empêcher l'utilisation des technologies critiques par la Chine à des fins militaires et à double usage.
Les nouvelles réglementations définissent de manière générale ceux qui peuvent être impactés. Au lieu d'établir un mécanisme de vérification au cas par cas, le département du Trésor exigera de toute personne aux États-Unis - non seulement les citoyens, résidents permanents, entités et leurs filiales, mais aussi « toute personne se trouvant sur le sol américain » - de s'abstenir d'effectuer certaines transactions ou de notifier le département du Trésor lorsque ces transactions sont réalisées. Les dirigeants et investisseurs issus des milieux technologiques et financiers chinois, ayant vécu aux États-Unis et détenant des cartes vertes ou ayant été naturalisés, seront potentiellement soumis à ces restrictions. Toutefois, plusieurs de ces individus ont déjà réorienter leurs investissements loin de ces secteurs restreints, puisque ceux-ci sont de plus en plus financés par l'État en Chine.
Washington et ses partenaires et alliés devront prendre en compte ces politiques. La Commission européenne et le Royaume-Uni ont tous deux commencé à évaluer les risques que posent ces technologies lorsqu'elles sont utilisées par des pays tiers à travers les investissements sortants. Cette tendance à revoir les implications sécuritaires des investissements en lien avec la Chine commence à se faire sentir à Ottawa également, particulièrement pour les investissements entrants au Canada. Ces dernières années, le gouvernement fédéral a accru sa vigilance et son examen des investissements chinois dans le secteur des minéraux critiques. En octobre 2022, Ottawa a ajouté une couche supplémentaire de vérification sécuritaire à sa « Loi sur Investissement Canada », imposant des réglementations plus strictes sur les acquisitions faites par les entreprises financées par des gouvernements étrangers dans le secteur minier, réduisant ainsi la probabilité d'approbation de ces transactions. De même, en septembre, les États-Unis ont lancé un Réseau de Financement du Partenariat pour la Sécurité des Minéraux avec plusieurs partenaires partageant les mêmes idées, dont le Canada, afin de renforcer la coordination dans la construction d'une chaîne d'approvisionnement mondiale résiliente, moins dépendante de la Chine comme fournisseur dominant. Avec le retour de l'administration Trump au pouvoir, et son caractère imprévisible sur les questions de commerce et de sécurité nationale, Ottawa sera obligé de réfléchir mûrement pour choisir sa propre voie en matière de contrôle des investissements Canada-Chine.
Ce qui s'ensuit
1. Beijing cherchera à attirer les investissements étrangers
En novembre, le gouvernement chinois a assoupli ses exigences pour les investissements étrangers dans les entreprises cotées en bourse. Li Qiang, le Premier ministre chinois, a également promis d'ouvrir des secteurs tels que les télécommunications aux investisseurs étrangers, soulignant l'urgence ressentie à Beijing de stimuler les IDE afin de dynamiser son économie ralentie.
2. Le « consensus sur la Chine » devrait perdurer malgré ces restrictions
À Washington, un consensus bipartisan sur la politique chinoise a émergé, avec les partis démocrate et républicain poussant pour une "compétition stratégique" avec Beijing. L'administration Trump à venir pourrait, comme l'indiquent de nombreux experts à Washington, être encline (et même encouragée) à utiliser des outils plus sévères et étendus pour empêcher la Chine d'acquérir des capitaux et du savoir-faire technologiques de pointe. La volonté de Trump de coopérer avec les alliés sur ces questions est moins certaine, et c'est un développement à surveiller de près.
- Édité par Erin Williams, gestionnaire de programme principale, Vina Nadjibulla, vice-présidente de la recherche et de la stratégie, et Ted Fraser, éditeur principal à FAP Canada.