La stratégie spatiale de Singapour offre au Canada la possibilité de diversifier ses marchés

Illustrative picture of a rocket launch

À retenir

Le 28 février, Singapour a dévoilé sa première stratégie spatiale nationale, affirmant sa place sur la scène mondiale du secteur spatial. Cette stratégie donne la plus haute importance à la recherche et au développement, à la culture des talents et aux partenariats internationaux. De plus, elle offre de nouvelles possibilités de collaboration avec l’industrie spatiale canadienne. Le renforcement des liens avec Singapour et la région de l’Asie du Sud-Est pourrait aider le Canada à diversifier ses partenariats spatiaux, en particulier dans les domaines de la recherche spatiale, de la technologie des satellites et de l’utilisation durable de l’espace.

En bref

  • La nouvelle stratégie spatiale de Singapour se fonde sur trois piliers : stimuler l’innovation dans le secteur, encourager les partenariats internationaux pour une utilisation sûre et durable de l’espace, et développer des programmes spatiaux spécialisés dans les domaines de l’aviation, de la marine, de la connectivité liée aux technologies de la communication et de la durabilité, ce qui inclut la surveillance et l’aide en cas de catastrophe. 

  • Cette stratégie a été mise en place après qu’un investissement de 162 millions de dollars canadiens (150 millions de dollars singapouriens) a été consacré au programme national de développement des technologies spatiales, lancé en 2022. L’OSTIn (Office for Space Technology & Industry) s’est engagé à verser 65 millions de dollars canadiens (60 millions de dollars singapouriens) supplémentaires au cours des deux prochaines années pour renforcer l’écosystème de Singapour dans le domaine de la technologie des satellites et de la recherche spatiale.

  • La nouvelle stratégie et le soutien financier supplémentaire renforceront le statut de Singapour en tant que centre névralgique du secteur spatial en plein essor en Asie du Sud-Est. La cité-État accueille déjà des bureaux régionaux de grandes sociétés de satellites, dont Telesat, basée à Ottawa. 

  • L’ambition grandissante des autres pays de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) offre à Ottawa l’occasion de diversifier et d’étendre ses partenariats spatiaux. Contrairement à d’autres acteurs majeurs du secteur spatial tels que la Chine, le Japon et l’Inde, le Canada n’a pas encore établi de partenariats spatiaux complets avec ses homologues d’Asie du Sud-Est.


Les conséquences

Grâce à l’accord qu’ils ont signé en mai 2024, le Canada et Singapour peuvent renforcer leur collaboration bilatérale dans les secteurs de la recherche, de la technologie et de l’innovation. Cet accord prévoit de renforcer la collaboration dans le domaine des innovations émergentes, notamment l’intelligence artificielle, les technologies numériques, la biotechnologie et les technologies vertes. Bien que leur déclaration commune ne fasse pas spécifiquement référence à des projets liés à l’espace, l’accent mis sur les technologies innovantes laisse entrevoir un potentiel de collaboration dans le domaine de la technologie et de la recherche spatiales.

Au-delà des accords bilatéraux, le Canada et Singapour sont tous deux signataires des accords Artemis, un ensemble de lignes directrices internationales sur l’exploration et l’utilisation de la Lune, sous l’égide des États-Unis. Ces accords, bien que non contraignants, renforcent les interprétations des États membres signataires du Traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967 quant au type d’extraction de ressources autorisé par le traité. Ces interprétations communes pourraient permettre au Canada et à Singapour de collaborer sur le plan multilatéral. Les 53 signataires des accords Artemis comprennent également l’Australie, l’Inde, le Japon et la Corée du Sud.

En outre, en tant que membres du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique des Nations unies, le Canada et Singapour demeurent engagés en faveur de l’utilisation pacifique et durable de l’espace et de ses ressources. Qui plus est, Singapour s’est efforcée de faire progresser les pratiques mondiales en matière de sécurité spatiale en mettant en œuvre des initiatives telles que les lignes directrices des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique aux fins de la viabilité à long terme des activités spatiales de 2021. De même, le Canada s’est attaché à promouvoir la viabilité à long terme des activités extra-atmosphériques en surveillant l’espace et en développant des technologies pour l’élimination des débris et l’évaluation des risques.

La diversification des partenariats sera essentielle pour la compétitivité et la croissance du secteur spatial canadien. L’Asie du Sud-Est, et plus précisément Singapour, offre au Canada des perspectives intéressantes grâce à la croissance fulgurante de son secteur spatial et à ses investissements stratégiques. Il existe également des possibilités de faire progresser les partenariats avec d’autres pays d’Asie du Sud-Est. Par exemple, l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande et le Vietnam ont déjà développé et lancé des satellites d’observation. En outre, la dépendance croissante de la région à l’égard des données satellitaires devrait contribuer à son économie à raison de 144 milliards de dollars canadiens d’ici 2030, ce qui souligne le potentiel de croissance à long terme du secteur.

Prochaines étapes

1. La stratégie spatiale de Singapour témoigne d’un intérêt pour de nouvelles collaborations internationales

Singapour cherchera probablement à établir des partenariats avec des nations spatiales expérimentées pour accroître ses compétences techniques et réglementaires. L’OSTIn est discute actuellement avec l’Indian National Space Promotion and Authorization Centre en vue d’étendre sa coopération dans le domaine de la technologie spatiale et du développement industriel. De plus, l’OSTIn a signé un protocole d’intention avec l’Agence spatiale européenne en vue de « collaborer à des initiatives relatives aux technologies, aux applications et aux services en aval du secteur spatial, dans le domaine des télécommunications et des domaines connexes ». Le protocole d’intention prévoit une coopération dans le domaine des technologies quantiques et optiques, ainsi que dans celui de la navigation et de la surveillance pour les secteurs aéronautique et maritime. Il appuie également l’engagement en matière de politique et de droit de l’espace.

En outre, l’intérêt de Singapour pour le renforcement des capacités satellitaires pour les applications maritimes et aéronautiques pourrait donner lieu à des partenariats spécialisés pour les entreprises canadiennes spécialisées dans les communications par satellite, l’analyse de données et les technologies de télédétection alimentées par l’intelligence artificielle. Le renforcement de la coopération spatiale bilatérale pourrait également favoriser l’échange de connaissances et les initiatives de renforcement des capacités entre les deux pays.

2. Une ouverture pour la collaboration spatiale entre l’ANASE et le Canada

Le partenariat stratégique ANASE-Canada, lancé en 2023, peut servir de point de départ à une collaboration accrue grâce aux échanges de politiques spatiales, au renforcement des capacités et au transfert de connaissances. Alors que le secteur spatial de l’Asie du Sud-Est continue de se développer, le Canada pourrait jouer un rôle central en soutenant le développement de cadres réglementaires, la gestion du trafic spatial et les pratiques d’utilisation durable de l’espace dans la région. En collaborant sur des projets de recherche, en signant des accords pour échanger des données satellitaires et en proposant des programmes de formation, le Canada peut accroître sa visibilité dans la région tout en consolidant sa réputation comme un allié fiable favorisant une utilisation paisible et responsable de l’espace extra-atmosphérique. En fin de compte, l’exploitation de l’écosystème spatial en expansion de l’Asie du Sud-Est renforcerait la position du Canada dans l’économie spatiale mondiale.

Hema Nadarajah

Hema Nadarajah, Ph.D., est gestionnaire de programme, Asie du Sud-Est, à la Fondation Asie Pacifique du Canada. Elle est titulaire d'un doctorat en relations internationales de la University of British Columbia, où elle a effectué des recherches sur la gouvernance dans l'Arctique, le changement climatique et l'espace extra-atmosphérique. Mme Nadarajah est conseillère auprès du WWF et a travaillé auparavant pour le gouvernement de Singapour sur des questions de conservation de la biodiversité internationale et de changement climatique.

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Sasha Lee

Sasha Lee est chercheuse post-universitaire au sein de l’équipe Asie du Sud-Est de la Fondation Asie Pacifique du Canada. Elle a obtenu une maîtrise en sciences politiques à l’University of British Columbia et un baccalauréat à la Korea University, avec une double spécialisation en sciences politiques et en communication avec les médias. Ses travaux portent notamment sur les technologies renouvelables et la gouvernance environnementale des pays en développement.

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